Théodore Roszak : le diable et Daniel Silverman

Il y a des livres qui vous émeuvent…

Il y a des livres qui vous enrichissent…

Il y a des livres qui vous détendent…

Il y a des livres qui vous amusent…

Il y a des livres qui vous bouleversent…

Et il y a des livres dont l’écriture vous parle, dont le sujet vous intéresse, dont l’essence des sujets abordés vous conforte, et « le diable et Daniel Silverman » de Théodore Roszak fait partit de ceux-là pour moi.

Theodore Roszak, né en 1933 est historien et romancier, il est l’auteur d’essais dont « La Menace américaine » et  « Vers une contre-culture » par exemple.

Il écrit aussi des romans dont le premier « La conspiration des ténèbres » (un jeune passionné de cinéma entreprend des recherches sur un réalisateur, de l’époque du muet, de films d’horreur du nom de Max Castle. L’intrigue machiavélique de cette histoire très bien documentée interroge sur le pouvoir et le sens de l'image) avait connu un succès mérité.

Daniel Silverman est un auteur de romans sur le déclin ou devrais-je plutôt dire tombé dans l’oubli, puisqu’il n’a rien publié depuis 20 ans, d’ailleurs ses seul revenus proviennent de quelques conférences données sur l’humanisme littéraire.

 
Pourtant, une proposition financière qu’il ne peut pas refuser se profile à l’horizon : donner une conférence sur l’humanisme juif dans la littérature. Rien d’inquiétant, seulement, l’invitation provient de « Faith College », une église réformée libre située à North Fork une bourgade perdue du Minnesota.

 
Arrivé sur place, dans un froid glacial et une tempête de neige, il découvre que les membres du collège sont des fondamentalistes chrétiens peu ouverts aux idées et à la vie de cet auteur.

Faut dire, qu’être un juif athée, homosexuel dont le petit ami est noir, n’est pas le modèle de l’idéal humaniste religieux que se faisaient ces croyants aux idées très fermées et poussiéreuses. Mais pour l’instant ils ne connaissent rien de notre héros mis à part qu’il vit à San Francisco où l’on trouve d’horribles beatniks.

 
Après une visite instructive des lieux glauques de l’école, avec ses bannières ornées de l’inscription « JIW : Jesus is watching», les préparatifs de la dite conférence commencent.
 

Une des chefs de file de cette église Mrs Bloore (décrite comme une femme au « visage profondément ridé, figé dans une expression menaçante qui aurait convenu au Grand inquisiteur ») donnera quelques conseils à notre auteur pour éviter de choquer ces bons chrétiens : pas de cochonneries sur les organes reproducteurs, pas de blasphèmes ni de grossièretés, pas de politique, pas de trop juif,  rien sur l’Holocauste non plus puisque ce dernier n’a pas existé, Dieu ne permettrant point qu’un malheur arrive à son peuple.

Qu’importe, la motivation étant uniquement financière, autant faire cette conférence et vite repartir…mais, car il y a toujours un mais…

Mais (donc), quand la stupidité frappe un esprit sain, ce dernier se doit de riposter.

Daniel Silverman troublé par le révisionnisme ambiant et les belles affiches du massacre des fœtus (seul holocauste admis pour ces frappadingues religieux), décide d’improviser une conférence sur l’Holocauste, l’avortement et pour finir l’homosexualité et même son homosexualité…

Et toc ! Ils l’ont bien mérité, et en lectrice jubilante au plaisir de voir leurs clapets rabattus, j’ai applaudi, je me suis vue fendre l’air de mes petits poings « allez vas-y, continue, réponds-leur à ses tarés, apprends-leur l’histoire…. »

Ça défoule le lecteur autant que l’auteur et notre héros.
 

Mais voilà…

Le seul petit imprévu c’est le temps, la tempête plus exactement, et voilà Daniel Silverman dans l’incapacité de partir de ce lieu macabre.

Et ce durant plusieurs jours….entraînant un cohabitation pour le moins mouvementée… Je ne vous la raconterai pas, mais vous invite vraiment à lire ce livre grave et drôle sur l’intolérance.