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Remue Méninge
20 août 2007

Le mythe de Sisyphe

L’absurde est une question sérieuse, voire grave. C’est bien ce qu’avait compris Albert Camus, lorsqu’il publia en 1942 « Le mythe de Sisyphe ». Cet essai fait partie de son cycle de l'absurde, avec « l'Étranger » (roman), «Caligula » (pièce de théâtre) et « Le Malentendu » (pièce de théâtre). Il rédigea ensuite un cycle de la révolte avec « l’Homme révolté » (essai), « La Peste » (roman) et deux pièces de théâtre, « Les Justes » et « Etat de siège ». Il devait ensuite rédiger un cycle sur le bonheur, mais à la place il y eut son livre le plus désespéré, « La Chute ».

Dans la mythologie grecque, Sisyphe, ayant découvert la liaison entre Zeus et Egine, s'en va monnayer l'information auprès du père de la donzelle, le fleuve Asopos. En échange de sa révélation il reçoit une fontaine pour sa citadelle. Sa trop grande perspicacité irrita les dieux qui le condamnèrent à pousser au sommet d'une montagne un rocher, qui roule inéluctablement vers la vallée avant que le but du héros ne soit atteint.

Le fait de « vivre dans un mythe de Sisyphe », signifie que l’on vit une situation absurde répétitive dont on ne voit jamais la fin ou l’aboutissement.

Camus définit trois types de réactions humaines à l’absurdité de la vie perceptible au quotidien :
- Le héros absurde fait face à l'absurdité de la vie et va même, comme le fait Don Juan, rechercher toujours sa première passion de conquête en conquête ;
- Le suicidaire ne voit plus aucun sens à sa vie ;
- Le croyant (en Dieu ou en un dogme, politique par exemple) se livre sans espoir de retour à une cause.

En opposition à ces trois archétypes de l'absurdité, Camus entend montrer que la révolte est le seul moyen de vivre sa vie dans un monde absurde : « La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

S’appuyant sur de nombreuses analyses littéraires impressionnantes de pertinence (Dostoïevski avec le personnage de Kirilov dans « Les Démons » et Raskolnikov dans « Crime et châtiment », Kafka dans toute son oeuvre, …), Camus entend démontrer l’impasse que constitue toute adaptation ou acceptation de l’absurde de la vie.

Il reconnaît moins confortable la révolte :
« Commencer à penser, c'est commencer d'être miné.
Pour un esprit absurde, la raison est vaine et il n'y a rien au-delà de la raison. »

Mais il montre aussi que le fait de laisser (consciemment ou inconsciemment) l’absurde guider sa vie est un leurre, qui aboutit à la perte de sens et de responsabilité :
« L'absurde ne délivre pas, il lie. Il n'autorise pas tous les actes. Tout est permis ne signifie pas que rien n'est défendu. L'absurde rend seulement leur équivalence aux conséquences de ses actes. Il ne recommande pas le crime, ce serait puéril, mais il restitue au remords son inutilité. »

Le mythe de Sisyphe est un vibrant plaidoyer pour la lutte et le sentiment, que Camus revalorise dans son essai :
« Il n'est guère de passion sans lutte. »

Voilà, je pense que ce livre, et son pendant « L’Homme révolté », même s’ils sont ardus à la lecture, amènent un éclairage intéressant et constructif à quiconque s’intéresse au lien délicat entre l’absurde et la révolte.

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