La vie en couleur
Internet est peuplé d’artistes dégagés (1).
Mais parfois la dure réalité nous rattrape brutalement. C’est ainsi
qu’une hirondelle asiatique, après un long périple, m’a largué sur la
tronche une noix de coco. Une fois sorti du coma, j’ai découvert dans
la dite noix ce message, directement en provenance des neiges
tibétaines, soigneusement crypté. J’ai estimé de mon devoir de vous
révéler, derrière les mots d’apparence futile de cette ritournelle, le
sens profond de cette missive :
« Hé ! Hé !
On dormira demain
Viens prends-moi par la main
La fête vient d'arriver
Avec ses lumières
Et ses cavalières
Surtout les manèges enchantés »
Quelle description angoissante d’une vie hantée par la peur des chars
chinois, ces « manèges enchantés » qui apportent la mort qui fera
dormir éternellement dès demain. Ces fameuses cavalières, qui
sont-elles ? Est-ce une métaphore pour désigner les adolescentes
lobotomisées des Jeunesses communistes ? La fête qui vient d'arriver
est-elle un leurre perfide (2) des Chinois pour faire sortir les
innocents bonzes de leurs lamasseries ? Ou bien s'agit-il de la tournée
mondiale de Serge Lama avec Nicolas Peyrac en première partie ?
« Les ours en peluche
Et les fanfreluches
Pour toi je les gagnerai
Ca y'est je devine
Que les carabines
Te font peur, je suis désolé »
Que dire de plus ? Malgré les barricades dérisoires d’ours en peluche,
de fanfreluches et de barbapapa, seules armes accessibles aux bonzes
qui font du ski, les carabines font tonner leur voix rauque, qui sème
la panique… A qui s'adresse le narrateur? Une femme? Un enfant? Son
compagnon de cellule au corps huilé ? La litote poétique, comme dans
toute la littérature traditionnelle tibétaine, entretient le mystère.(3)
« C'est la vie en couleur [wip !]
Tiens voilà le marchand de ballons
C'est des cris et des fleurs
Les manèges tournent à l'unisson
C'est la vie en couleur [wip !]
Il faut sortir et en profiter
Dépêchez-vous d'aller faire un tour
On peut trouver le grand amour
Sur le grand-huit ou la grande-roue
Le monde tourne autour de nous
Hé !
Hé ! »
Pourtant l’espoir inextinguible demeure, le pur élan de vie, les cris
de rage de l’amour révolté s’élèvent : alertez les bébés Yétis !
« Dans le labyrinthe
Les lumières éteintes
J'essaierai de t'embrasser
Dans le train fantôme
N'aie pas peur des gnomes
Je suis là pour te protéger
Les marchands de nougat
Et de barbapapa
Sauront bien te consoler
Nous reviendrons dormir
Loin du bruit et des rires
Mais tu ne voudras pas rentrer »
Les larmes me viennent aux yeux quand j’entends cet hymne de résistance
: oui, le nougat, la barbapapa, les tongs viendront à bout des armées,
des chars, des nems qui sont largués par mégatonnes sur les cimes
enchanteresses du Tibet. Un jour, le train fantôme déraillera et tout
le monde pourra librement manger du lait caillé jusqu’à en vomir de
joie. Les gnomes, en qui on reconnaît les perfides (2) Gardes rouges,
ne feront plus peur à personne et seront reconvertis en drag-queens
pour faire rire les oiseaux et chanter les couleurs.
« C'est la vie en couleur [wip !]
Tiens voilà le marchand de ballons
C'est des cris et des fleurs
Les manèges tournent à l'unisson
C'est la vie en couleur [wip !]
Il faut sortir et en profiter
Dépêchez-vous d'aller faire un tour
On peut trouver le grand amour
Sur le grand-huit ou la grande-roue
Le monde tourne autour de nous »
Et au bout de la paix retrouvée, l’amour, cette fleur immortelle qui
renaît toujours sur les champs après la bataille, les roucoulades, les
sérénades, les baisers passionnés, les partouzes… Mais je m’exalte,
revenons à notre sujet.
« La la la, la la la
La la la la la la la la
La la la, la la la
La la la la la la la la
La la la, la la la
La la la la la la la la
Dépêchez-vous d'aller faire un tour
On peut trouver le grand amour
Sur le grand-huit ou la grande-roue
Le monde tourne autour de nous »
En voyant, ta signature, frère inconnu, j’ai senti une grande flamme,
presque olympique, me réchauffer le cœur. Par delà les vastes étendues
et les montagnes, je te salue, bonze Rémy Dalaï Bricka.
--
(1) je sais, ce n'est pas de moi...
(2) comme chacun le sait, les Chinois sont perfides, les Corses sont fiers et les Ricains de gros cons obèses
(3) voir l'anthologie Tibète, tu es très bête