Conseils épistolaires
Si je viens solliciter ce jour votre précieuse attention, c'est pour vous entretenir d'un sujet qui m'inquiète : l'extinction dramatique du courrier postal.
Le développement du courriel, du MP, du SMS, de l'éructation inconséquente sur Face de Bouc, et autres pratiques débilitantes, rend de plus en plus rare le plaisir de recevoir par la Poste une missive dodue, remplie de feuillets écrits d'une plume délicate et dans une calligraphie appliquée.
Plus de lettres parfumées contenant un délicat et troublant poème !
Plus de descriptions réjouissantes de voyages lointains, envoyées par un ami dans une enveloppe robuste ornée d'un timbre exotique ! Timbre qu'on décolle à la vapeur pour le coller religieusement dans l'album...
Non, aujourd'hui, s'il n'y avait nos amis huissiers et contrôleurs des impôts, nous ne recevrions jamais de mot charmant...
Je n'imagine pas, avec cet unique coup de gueule, inverser une évolution déplorable, mais inéluctable...
Mais, du moins, soyons polis, que diable!
Avant de cesser, par facilité, tout rapport épistolaire avec quelqu'un, envoyons-lui au moins une lettre pour nous excuser de ne pas écrire!
Je vous propose donc de rédiger, en répliques, des modèles de ce type de courrier, à utiliser pour adresser un dernier message courtois à celui ou celle avec qui on cesse ce rapport social suranné.
Et je me livre moi-même à cet exercice :
"Cher(e) X,
Comme tu as pu le remarquer, cela fait longtemps que tu n'as pas eu le
plaisir d'être éveillé(e) à l'aurore par un facteur barbu et suant
d'avoir monté en vélo la côte qui mène à ta demeure, pour qu'il te
remette un de mes courriers.
Longtemps que je ne t'ai pas procuré le plaisir de le faire asseoir à
l'office, pour lui servir un café brûlant adouci d'une goutte de
calva...
Et l'occasion ne se présente pas maintenant, car ceci n'est pas une lettre.
Il n'est plus de notre temps de se saisir de sa plume Sergent Major
pour coucher sur le velin des mots d'esprit recherchés. Il n'est plus
de mode d'imiter Rainer Maria Rilke et d'entretenir des échanges au
long cours par le biais du train postal...
Te refusant à installer MSN, à accepter mon invitation sur Parano et à
créer un profil sur Facebook, tu as toi-même choisi que je m'éloigne de
toi, arguant du prétexte fallacieux que tu n'as pas d'ordinateur.
Tu ne recevras plus de mes nouvelles, tu n'en reçois pas d'ailleurs aujourd'hui.
Pas la peine de me répondre, je ne t'ai pas écrit.
Sincèrement,
Mezcal."