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Remue Méninge
15 juin 2010

Laisse Thomas dans l’étalon

 Que les âmes sensibles qui tomberaient sur ces lignes ne détournent pas horrifiées le regard, ni ne m’accusent de prosélytisme pour la zoophilie. Le titre est trompeur : le sujet est plus en rapport avec les acrobaties du langage qu’avec la vidéo que votre cousin Hubert vous a envoyée l’autre jour avec ce commentaire pertinent : « MER, IL ET FOU ! »


Aux origines de l’humanité, il n’était nul besoin d’utiliser entre soi de prénoms. Quand on voulait appeler sa progéniture pour partager de la viande d’ours crue, il suffisait de grogner un bon coup et toute la meute rappliquait, la bave aux lèvres. Et s’il y avait un retardataire, nul besoin de hurler «Kevin, je t’ai dit cent fois de lâcher ta putain de PSP quand c’est l’heure de passer à table : le soufflé de ta mère va pas attendre que tu poutres tes zombies ! » Si le petit dernier ne se pointait pas, c’est qu’un loup l’avait boulotté...

Et si vous vouliez vous socialiser, nul besoin de se parfumer à l’huile de mammouth et de susurrer à l’oreille de sa proie son petit nom : la méthode que les bonobos ont su perpétuer était plus simple.

Et on touche du doigt le nœud du problème (1) : l’évolution a fait bifurquer l’homme vers un chemin différent de ses frères anthropoïdes. Le « troisième singe » est le singe narrateur (2), et qui dit narration signifie que les mots doivent suivre le vol de l’oiseau qui fiente.

D’où les jeux de mots laids.

D’où l’utilité des prénoms.

Certes, dans un premier temps ceux-ci ont servi à des échanges utiles, comme :
- « Charles-Henri, je vous prie vivement de venir partager le repas avec notre communauté familiale. Sinon, je t’explose la tronche avec ma massue, ça va gicler sur les murs de la grotte ! »
- « Thérèse, que vous êtes accorte ainsi penchée en avant au bord du lac. Thérèse, JE TE... ! »

Mais l’imagination humaine en vint vite à se lasser de ce morne usage quotidien. Et les prénoms devinrent sujets aux blagues les plus primaires, mais les plus efficaces, avec l’invention de « Monsieur et Madame ont un fils », ce fleuron de l’inventivité sublimé par le voisin de Julius Corentin Acquefacques dans L’Origine.

Aujourd’hui, un sommet est franchi gaillardement vers l’acmé de la civilisation. Oui, lecteur que l’émotion me fait tutoyer, libère ton esprit et laisse Thomas dans l’étalon !

Ou demande au cousin Hubert de t’envoyer la vidéo : c’est toi qui vois...




--
(1) Oui, je sais : ce vieux con de Grévisse a établi en 1936 qu’on ne commençait jamais une phrase par « Et ». Ce à quoi Vialatte a répondu plus de mille fois : « Et c’est ainsi qu’Allah est grand ».
(2) Comme brillamment démontré dans La science du Disque Monde II de Terry Pratchett, Ian Stewart et Jack Cohen (3)
(3) On ne répètera jamais assez souvent que les parties scientifiques de l’ouvrage ont été traduites en français par Lionel Davoust (4)
(4) Achetez L’importance de ton regard ! Exigez de votre libraire qu’il pré-commande son prochain bouquin qui sortira en fin d’année !

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Commentaires
M
Mais de rien, Lionel...<br /> <br /> Et mes amitiés à l'horrible thon :))
L
En retard, merci pour ce bel article :) <br /> <br /> Monsieur et madame Bleton ont une fille? <br /> Lorie. <br /> <br /> Et merci pour les notes de bas de page, je suis très honoré et touché :)
U
j'ai bien ri avec celui là. Quelle idée géniale. Le coup du petit dernier mangé par le loup et de Charles-Henri, c'est à mourir de rire.
Remue Méninge
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  • Remuer sans faire tourner la mayonnaise… Une envie de partager quelques réflexions sur le monde qui nous entoure, de titiller votre vision de la vie, d’échanger et débattre sur des sujets variés…sur un ton léger et décalé.
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